Articuler théorie et pratique : des approches cliniques pour une formation enseignante visant une alternance intégrative
La formation en alternance des futurs enseignants représente un défi majeur pour les institutions de formation. La littérature met en évidence des tensions et des insatisfactions dans ce dispositif, en particulier chez les étudiants (Amathieu et al., 2018). Dastugue et Chaliès (2019) soulignent notamment la difficulté qu'ont les étudiants à articuler leurs expériences entre l'institut de formation et le stage. Ces derniers auraient en effet tendance à juxtaposer ces expériences, sans réussir à tisser des liens significatifs entre les deux environnements de formation. Une autre difficulté concerne le manque de réflexivité des étudiants-stagiaires face aux problèmes professionnels, surtout lorsque les interactions sont asymétriques (Chaliès et al., 2010 ; Talérien et al., 2021). En ce qui concerne la formation des futurs enseignants d’éducation physique, Dastugue et ses collaborateurs (2017) évoquent une « cassure » entre les lieux de formation, attribuable à une articulation insuffisante entre théorie et pratique. Les obstacles à la mise en œuvre d’une alternance intégrative (Dastugue & Chaliès, 2019) se manifestent également dans le contexte vaudois, où les étudiants sont formés soit en institut par des formateurs HEP, soit sur le terrain par des praticiens formateurs. Un des écueils identifiés est une trop grande séparation des acteurs impliqués dans le dispositf de formation, ce qui place l’étudiant au service de l’alternance plutôt que l’inverse. Un défi majeur pour la HEP Vaud est ainsi de renforcer le partenariat entre l'institution et les établissements scolaires (Poretti & Curchod, 2019).
Le but de ces projets est de combler ce qui est désigné, parfois, comme un écart entre les deux versants de l’alternance (le pan théorique dispensé à la HEP et le versant pratique provenant de l'activité des stagiaires auprès des élèves) dans la formation des enseignantes et enseignants à travers l’articulation du vécu des différents acteurs (prafos, formateurs, étudiants). Les dispositifs méthodologiques sont cliniques (récits, enregistrements audio et vidéo, entretien d’ACS et d’ACC, etc.)
Dans le cadre de cet axe de recherche, sept projets sont développés afin d’explorer et d’enrichir la formation des enseignants en éducation physique en mettant l’accent sur l’articulation entre théorie et pratique. À travers des approches cliniques, ces recherches visent à mieux comprendre les défis de l’alternance en proposant des dispositifs favorisant le développement professionnel des formateurs, des stagiaires et des enseignants.
Les projets abordent des thématiques variées, allant de la télésupervision en éducation physique aux récits saillants des étudiants, des praticiens formateurs, et des formateurs HEP, en passant par l’engagement corporel des stagiaires et les pratiques d’accompagnement clinique des visiteurs de stage. Un projet spécifique, le Laboratoire du Changement, a pour objectif de co-construire, avec les acteurs de l’alternance, des solutions innovantes et des actions concrètes pour améliorer le dispositif de formation dans le domaine de l’EPS. Il vise plus largement à apporter une nouvelle compréhension du dispositif de formation en alternance de la HEP Vaud.
L’ensemble de ces recherches vise à réduire l’écart souvent observé entre les savoirs académiques et la réalité du terrain, en proposant des méthodes innovantes pour soutenir la professionnalisation des enseignants et améliorer les dispositifs de formation.
La crise sanitaire de la COVID-19 a amené les personnes superviseures de stage à délaisser les visites de stage en présentiel au profit de la télésupervision à partir de divers dispositifs numériques. Cette recherche exploratoire cherche à mesurer d’une part la perception de stagiaires quant au sentiment de présence à distance lors de stages en enseignement en éducation physique supervisés à distance ou en présentiel au Québec (20 stagiaires) et dans le canton de Vaud (21 stagiaires). D’autre part, le protocole a cherché à identifier la différence de perception des stagiaires entre un entretien post-leçon traditionnel lors de visites en présentiel et un entretien d’autoconfrontation lors d’une télésupervision, ainsi que le degré d’appréhension avant les deux modalités. Les résultats témoignent un sentiment de présence à distance comparable entre les deux modalités et les deux contextes et mettent en évidence le pouvoir de développement des entretiens d’autoconfrontation, malgré le coût émotionnel qu’il produit ainsi qu’une appréhension plus élevée lors des visites en présentiel. Les résultats sont discutés en regard notamment des différents types de présence à distance et mettent en avant le potentiel de la télésupervision, à partir d’outils numériques, en termes de formation. Cette étude exploratoire devrait être poursuivie par une étude à plus large échelle dans le canton de Vaud.
Cette étude vise à comprendre le développement de l’activité des stagiaires en EPS à partir de situations émotionnellement marquantes. Il s’agit d’une part de dessiner une topographie des situations émotionnellement marquantes provenant des stagiaires en EPS. La deuxième partie, clinique, auprès de stagiaires volontaires pour un suivi longitudinal, vise à comprendre comment les situations émotionnellement marquantes freinent ou favorisent le développement de leur activité. Les résultats montrent que les stagiaires en EPS vivent des situations émotionnellement marquantes qui favorisent surtout un développement par la maîtrise de nouvelles opérations. Les résultats ouvrent des pistes concernant les dispositifs actuels de la formation par alternance, notamment par une prise en compte de la dimension subjective du métier. Cette première étude est suivie par une seconde, à plus large échelle, qui comprend les cohortes d’étudiants en éducation physique depuis 2020.
L’ambition de ce projet est de combler ce qui peut être désigné comme un écart entre les deux versants de l’alternance dans la formation du corps enseignant. Dans les dispositifs d’alternance, les savoirs théoriques dispensés en centre de formation côtoient l’exercice du métier en milieu scolaire, accompagné par les formateurs de terrain. La réduction de cet écart pourrait permettre de relever les défis futurs : des liens efficaces entre théorie et pratique (Gagnon, 2019 ; Caron & Portelance, 2017), une continuité entre les différentes séquences dans la formation (Dastugue & Chaliès, 2019) et une professionnalisation des formateurs de terrain (Perez-Roux, 2023), pouvant induire une diminution des abandons des enseignants en début de carrière (Amitai & Van Houtte, 2022), avec des stagiaires prêts à entrer dans le métier. La méthode consiste à enquêter auprès des prafos d’éducation physique volontaires, qui doivent décrire deux situations émotionnellement marquantes vécues dans cette fonction. Afin d'ajuster au mieux la formation des acteurs de l'alternance et favoriser des liens intéressants entre la théorie et la pratique, il semble primordial de connaître les moments saillants vécus par chaque prafo qui accompagne un étudiant en stage, afin de pouvoir mettre en évidence ce qui favorise ou freine l’activité des prafos.
Les prafos en éducation physique du canton de Vaud vont être sollicités pour compléter de manière volontaire et anonyme un questionnaire JotForm dans lequel ils devront décrire deux moment saillants survenus dans leur fonction de prafo, après avoir donné leur accord dans un consentement éclairé. Cette démarche est semblable à celle effectuée avec les stagiaires en éducation physique (Descoeudres, 2023). Les réponses seront collectées et traités de manière inductive (Strauss & Corbin, 1990) afin de pouvoir faire émerger des récurrences permettant le regroupement des récits dans des catégories. Les catégories produites par les résultats pourront permettre de mettre en regard les préoccupations des prafos, notamment celles provenant de la prescription, de la gouvernance institutionnelle ou encore de la collaboration avec les didacticiens de l’éducation physique.
Les résultats de ce projet visent à combler l’écart entre les deux versants de l’alternance dans la formation des enseignants et ont vocation d’être réinvestis dans la formation (Weber & Méard, 2018). La réduction de cet écart permettrait de relever les défis actuels de ce champ social : des liens efficaces entre théorie et pratique, un recrutement de qualité pour l’encadrement de la formation pratique et une diminution des abandons en début de carrière.
Cette recherche s’intéresse à l’activité des formatrices et formateurs de l'UER d'EPS de la Haute école pédagogique vaudoise. Elle vise à recueillir des récits marquants de formatrices et formateurs en EPS sur leur activité, afin d’en établir des catégories et de soutenir leur développement professionnel. L’objectif est de mieux répondre aux besoins des étudiantes et étudiants, tout en enrichissant certains modules de formation. L’ensemble de cette démarche s’inscrit dans une perspective de renforcement de la collaboration entre les acteurs de l’alternance.
Plusieurs recherches exploratoires ont été menées récemment au sujet des prafos et des étudiantes et étudiants, mais dans notre contexte, aucune n'a encore été menée sur les formatrices et formateurs. Cette recherche représente une continuité après celles effectuées dans le cadre du LATEFA. En effet, un acteur de l'alternance est rajouté dans ce projet : les formatrices et formateurs de la HEP.
Le but de ce projet est de combler ce qui est désigné, parfois, comme un écart entre les deux versants de l’alternance dans la formation des enseignants. La réduction de cet écart permettrait de relever les défis actuels de ce champ social : des liens efficaces entre théorie et pratique, un recrutement de qualité et une diminution des abandons en début de carrière. En tant que formatrices et formateurs, le rôle dans ces défis, est central. Quels sont les moments marquants/saillants (positifs ou négatifs) vécus par les acteurs de l'alternance ? Ces moments favorisent-ils ou freinent-ils l’activité des formatrices et des formateurs ?
Cette recherche s'inscrit dans la continuité d'une étude exploratoire (Ottet, 2016) portant sur les déplacements des enseignants stagiaires en éducation physique au cours de leurs leçons. Elle vise à mettre en lumière la dimension corporelle de leur activité, un aspect fréquemment négligé dans les programmes de formation. Le corps semble en effet être l’oublié de la formation (Ottet & Méard, 2018). Cependant, l’utilisation du corps en classe s’acquiert progressivement et peut être perfectionnée (Pujade-Renaud, 2005). Les compétences corporelles relèvent de gestes professionnels façonnés par des expériences situées (Ria et al., 2010) et un cadre culturel donné. Savoir habiter son corps et le mettre en scène dans les déplacements constitue une compétence professionnelle essentielle (Tellier, 2023). Au cœur des situations d’enseignement, le corps sert de support à des démonstrations, des parades, des aides physiques et des régulations à travers de nombreux déplacements. Véritable caisse de résonance des émotions (Descoeudres & Ottet, 2020), le corps n’est jamais neutre, notamment pour l’enseignant en éducation physique (Durand et al., 2015). Cette étude vise à comprendre et à transformer les pratiques professionnelles des enseignants stagiaires en éducation physique en analysant leur engagement corporel à travers une approche clinique de l’activité.
Les travaux pionniers dans ce champ ont postulé que la formation des enseignants devait intégrer une dimension clinique (Pujade-Renaud, 1977), les confrontant à leur propre image en contexte pédagogique afin d’analyser l’impact du corps dans les cours. En mobilisant le cadre théorique de la clinique de l’activité (Clot, 1999), cette étude adopte une approche permettant d’explorer l’activité réelle des enseignants, au-delà de ce qu’ils croient ou disent faire. L'accent est mis sur la dimension subjective de leur activité à travers le déplacement durant les leçons.
Les résultats mettent en évidence que l’attention portée au corps dans toutes ses dimensions – émotionnelle, sensorielle et sociale – favorise le développement de l’activité des stagiaires, leur permettant de construire une expertise professionnelle ancrée dans leur vécu corporel. De plus, ils illustrent une évolution progressive des pratiques corporelles des stagiaires, se traduisant par un passage de comportements désorganisés et semi-conscients à une gestion plus intentionnelle et efficace des mouvements et des postures. Ces transformations entraînent une redéfinition des significations attribuées aux gestes professionnels, influencées par des expériences corporelles marquantes, souvent mises en lumière grâce à l’usage de la vidéo lors des entretiens d’autoconfrontation.
Ce travail souligne l'importance de dispositifs de formation innovants intégrant une attention particulière à la dimension corporelle de l’activité professionnelle (Ottet et al., 2024). Les résultats de cette recherche pourraient inciter à s'interroger sur les contenus à inclure dans une formation initiale destinée au corps enseignant (Tellier, 2021). Elle vise à répondre aux besoins spécifiques des stagiaires en début de carrière afin de réduire les abandons précoces du métier et de promouvoir leur santé, leur bien-être et conscience d’eux-mêmes au travail (Emond, 2022).
L’accompagnement clinique des visiteurs en stage repose sur une approche réflexive visant à favoriser le développement professionnel des formatrices et formateurs en ressentant la nécéssité. Parmi les dispositifs mobilisés, l’entretien d’autoconfrontation simple (ACS) se distingue comme un outil puissant permettant de questionner et d’analyser les pratiques pédagogiques à partir des traces de l’activité.
L’entretien d’ACS consiste à enregistrer ou filmer une séquence de travail, en l’occurrence un entretien post-leçon mené par la formatrice ou le formateur, puis à le confronter à ces traces lors d’un entretien d’autoconfrontation. L’objectif est de l’amener à verbaliser ses intentions, ses perceptions et ses décisions prises en situation, favorisant ainsi une prise de conscience de son activité réelle.
Dans le cadre du développement professionnel des formatrices te formateurs, l’entretien d’autoconfrontation simple s’intègre dans un processus en plusieurs étapes :
L’entretien d’autoconfrontation simple offre plusieurs avantages pour la formation des formatrices et formateurs visitant en stage :
Le laboratoire du changement ALTER’EPS est une recherche participative et transformative des pratiques pédagogiques et de l'enseignement de l'éducation physique. Elle s'appuie sur une méthodologie d'intervention formative, plus précisément les laboratoires du changement (Lémonie & Grosstephan, 2021), basée sur la quatrième générations des théories de l'activité (Engeström & Sannino, 2021). Cette méthodologie vise, dans un premier temps, à identifier et analyser les tensions telles qu'elles sont perçues par les différents acteurs impliqués dans le dispositif actuel de formation en alternance, à savoir les étudiants, les praticiens formateurs et les formateurs HEP. Dans un deuxième temps, ce projet a pour objectif de co-construire des actions concrètes pour favoriser l'articulation des expériences vécues en institut de formation et en stage. Dans la perspective d'une alternance plus intégrative (Dastugue & Chaliès, 2019), voire projective (Jorro, 2007), le laboratoire du changement fait dialoguer les participants entre eux. En prenant ainsi part au processus pas à pas (formative interventions), ils transforment progressivement leur activité (expansive learning) (Bal et al., 2018 ; Engeström, 2011, 2016 ; Sannino et al., 2016). Le laboratoire du changement représente une opportunité de redéfinir l'activité des participants autour des défis et des perspectives d'avenir pour la formation des enseignants d'éducation physique et plus largement contribuer à l'amélioration de la santé des travailleurs (Clot, 2008).
Les questions de recherche auxquelles nous souhaitons répondre sont les suivantes :
Magali Descoeudres, Professeure associée, UER EPS – HEP Vaud
https://www.researchgate.net/profile/Magali-Descoeudres
Annabelle Grandchamp, chargée d'enseignement, UER EPS, HEP Vaud
Armelle Chantepie-Laurent, chargée d’enseignement, UER EPS, HEP Vaud
Bastien Saugy, chargé d’enseignement, UER EPS, HEP Vaud
François Ottet, chargé d’enseignement, UER EPS, HEP Vaud
Sandra Jourdan, chargée d’enseignement, UER EPS, HEP Vaud
Méliné Zinguinian (UER AGIRS, HEP Vaud)
Claudia Pinto Ferreira (UER AGIRS, HEP Vaud)
Elodie Brühlart (UER AGIRS, HEP Vaud)
Anne Bationo Tillon (UER MI)
Août 2022 à juillet 2028
En cours
Publications
Communications orales